Mercredi, on va tous au Siné (version humanité)
Mercredi, on va tous au Siné
Durant l'été, ce qu'on a appelé l'affaire Siné a occupé l'espace médiatique. On aurait pu tout aussi bien parler de l'affaire Val. Car, une fois la bulle médiatique dégonflée, la cabale montée contre Siné apparaît clairement comme la mise en scène de son licenciement par un directeur qui n'avait pas de motif sérieux ni légitime pour le faire. Le fond de l'affaire est là. Et la polémique qui a enflé durant l'été n'aura servi qu'à masquer cette réalité.
Bref rappel des principaux faits. Le 2 juillet, dans son billet hebdomadaire, Siné raille l'opportunisme de Jean Sarkozy. Il reprend la rumeur lancée dans Libération par le président de la LICRA, Patrick Gaubert, et selon laquelle Jean Sarkozy serait prêt à se convertir au judaïsme pour épouser l'héritière de Darty. Puis il conclut, en parlant du fils du président : « il ira loin ce petit ». Le 8 juillet, sur RTL, le journaliste Claude Askolovitch dénonce, en évoquant la chronique de Siné, « un article antisémite dans un journal qui ne l'est pas ». Prétextant l'éventualité d'un procès pour antisémitisme, Philippe Val, directeur de publication, enjoint alors Siné de signer une lettre d'excuse, ce que le dessinateur refuse de faire. Siné est alors licencié.
La machine médiatique s'est ensuite très vite emballée. Avec, d'un côté, les partisans de Siné et, de l'autre, ceux qui le combattent avec des méthodes parfois inqualifiables. On ne va pas refaire ici l'historique de cette polémique. Mais on peut en tirer quelques conclusions que personne ne conteste.
Premièrement, il est clair aujourd'hui qu'il n'y a rien d'antisémite dans le texte de Siné. Dès le 18 juillet, Gisèle Halimi avait dénoncé ce « prétexte ». Et Daniel Schneidermann l'expliquait très simplement. « Quand Siné prête un comportement intéressé à quelqu'un (Jean Sarkozy) qui n'est, par définition, pas juif, puisqu'il est présenté comme prêt à se convertir, il est évident qu'il n'associe pas comportement intéressé et judaïsme. Donc, mon intuition m'a trompé. J'ai lu les phrases trop vite. OK. Ici et solennellement, je dédouane ces phrases de Siné du reproche d'antisémitisme. »
Deuxièmement, si l'on pense qu'il y a quelque chose de critiquable dans le texte de Siné, alors il y a une certitude : en tant que principal responsable du journal, Philippe Val a commis une faute car il n'aurait pas dû laisser paraître cette chronique. Philippe Val prétend ne pas l'avoir lue. Mais, dans ce cas, sa faute n'en serait que plus grande ! Philippe Val a exigé des excuses de Siné, mais n'en a jamais présenté à ses lecteurs. Sans doute n'y avait-il pas matière.
Au bout du compte, il reste donc une « affaire » montée de toutes pièces pour discréditer aux yeux de l'opinion publique un dessinateur en l'affublant du qualificatif infamant d'antisémite. La méthode est éprouvée : calomniez, il en restera toujours quelque chose. C'est un procédé inqualifiable et indigne. Quelle que soit l'opinion que l'on puisse porter sur la personne qui en est victime.
En lançant cette polémique, on a ainsi détourné le débat. D'abord sur la question de l'antisémitisme, puis sur la personne même de Siné. Mais la question n'était pas là. On a le droit d'aimer ou de ne pas aimer Siné. On peut penser que sa chronique était ratée ou de mauvais goût. Cela n'a jamais fait un motif de licenciement, surtout quand on connaît l'histoire de Charlie Hebdo.
Siné n'est pas le premier venu. Pour parvenir à le licencier de Charlie Hebdo, il fallait frapper l'opinion, faire un coup. C'est ce que Philippe Val a tenté de faire en usant de ses réseaux médiatiques. Sans doute avec l'espoir qu'en pleine période estivale l'affaire retomberait vite et qu'à la rentrée, tout cela serait oublié. Pas de chance ! La rentrée est là. Les procureurs honteux se cachent derrière leur stylo. Et un nouveau journal va voir le jour. Avec sa bande de copains, Siné devient patron (personne n'est parfait...) et lance Siné Hebdo. Mercredi, désormais, on va tous au Siné !