Les idées fausses du RSA
Entretien publié dans Le Dauphiné libéré, 30 septembre 2008
Demain, les discussions sur le projet de loi de généralisation du RSA (Revenu de solidarité active) reprendront à l’Assemblée. Et avec elles, les polémiques. Pierre Concialdi, économiste spécialiste des retraites et des emplois précaires, dénonce les mensonges sur lesquels serait bâti ce nouveau dispositif d’insertion.
* Pourquoi, selon vous,le RSA n’apporte rien ?
- Il n’est pas plus incitatif que les dispositifs existants. Martin Hirsch annone que les Rmistes qui reprennent un emploi perdent de l’argent. C’est faux. Dans la première année de reprise, le gain actuel est même supérieur qu’avec le futur RSA. Par exemple, le RMIste qui reprend un emploi à temps complet au SMIC gagne aujourd'hui durant l'année qui suit ce retour à l'emploi un peu plus de 1300 € par mois en moyenne, contre environ 1100 € avec le RSA. Sur l'année, la différence est de plus de 2500 €, soit deux mois et demi de Smic ou cinq mois de RMI!
* Certains redoutent les effets pervers du RSA : il favoriserait les emplois précaires…
- Le RSA diminue l’incitation à reprendre un emploi, mais subventionne de façon permanente les bas salaires. Il rend plus durablement supportable pour les salariés cette situation et n’incite pas les employeurs à les augmenter. Les salariés sont enfermés dans des emplois peu payés. Ce qu’on appelle les « trappes à bas salaire ».
* À en croire Eric Woerth, les entreprises n’étant pas informées que l’employé bénéficie du RSA, elles ne seront pas tentées de minimiser les salaires.
- Peu importe pour l’employeur de savoir si tel salarié perçoit ou non le RSA. Il est conscient – comme le répète le gouvernement – que, si nécessaire, l’Etat donnera un complément aux salariés pauvres. Cela ne peut qu’accélérer la course au moins disant salarial.
* Qu’est-ce qui aurait été préférable selon vous ?
- Le RSA repose sur l’idée qu’il existerait des salariés « non rentables » pour les entreprises. Depuis plus de 20 ans, cette idée a été largement démentie. Dans ses expériences pionnières, Bertrand Schwartz l’avait montré avec des jeunes à « BAC moins cinq »: quand les employeurs surmontent leurs préjugés, tout le monde peut avoir un emploi et être rentable pour l’entreprise. Le problème est qu’il n’existe pas d’emplois pour tous, car la rigueur salariale qui sévit depuis 30 ans freine la croissance. Une croissance mieux équilibrée et dont les fruits bénéficient davantage aux salariés : voilà une des clés majeures pour sortir de ce cercle vicieux.
Propos recueillis par Stéphène Jourdain
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