« Tes poids sont tous faux et pourtant justes ».
Cette citation est extraite du livre de Joseph Roth, Les fausses mesures. Elle est suivie d’un court commentaire du « vérificateur suprême ».
« Tes poids sont tous faux et pourtant justes. Nous n’allons pas noter ton nom. Nous tenons tes poids pour bons. Je suis le vérificateur suprême ».
On peut débobiner beaucoup de fils de cette phrase. Par exemple. L’important ce n’est pas l’instrument de mesure, qui est toujours « faux », imparfait dans le monde réel. Notre représentation du monde reste nécessairement inachevée. L’important, donc, c’est de disposer d’une lecture du monde qui soit juste. Qui appréhende à sa juste valeur (précisément) les choses et les ordonne de façon cohérente, qui fasse sens, qui aide à comprendre le chemin parcouru et à dessiner celui qu’il faut prendre pour arriver « à bon port ».
Voilà une « lecture » possible de cette phrase. Les statisticiens pourraient sans doute utilement la méditer, eux qui font profession de mesurer les choses (et parfois, ce faisant, les êtres). Elle souligne qu’il est inutile de courir après l’illusion d’une « bonne » mesure. L’important, c’est de disposer d’une lecture du monde qui soit la plus juste possible…même si elle est un peu fausse.