Le RSA n’augmente pas l’incitation monétaire à la reprise d’emploi

Publié le par pierrôt


Avertissement: Cet article a fait l'objet d'une actualisation le vendredi 5 septembre à partir des derniers chiffres qui accompagnent le projet de loi en circulation. Pour lire ce commentaire actualisé des chiffres, il faut aller à l'adresse suivante Les mensonges du RSA     
L'analyse qui suit reste cependant pertinente sur le fond.


À force d'écouter des contre vérités on finirait presque par y croire...ou par s'irriter vraiment. Avec le RSA, on est servi. Le RSA, rappelons-le, est censé remplacer les minima existants et faire en sorte que tout le monde puisse sortir de la pauvreté en travaillant. Dit autrement, on ne pourra désormais sortir de la pauvreté que si l'on travaille. C'était le thème d'une chronique publiée l'an passé dans Alternatives économiques(1).

Pour justifier son projet de Revenu de solidarité active (RSA), le gouvernement entonne depuis un an la même rengaine : avec le RSA, la reprise d'emploi sera toujours financièrement attractive. Le VRP Hirsch le répète à longueur d'entretiens et les « vrais » ministres lui emboîtent le pas, comme Xavier Bertrand, dans l'édition de France Soir du 1er septembre 2008 : « J'ai croisé beaucoup trop de personnes qui me disent : « Si je reprends un boulot, j'y perds. » Avec le RSA, c'est terminé. Ils auront la garantie d'y gagner s'ils reprennent un emploi. »

« Si je reprends un boulot, j'y perds ? » On ne le répétera jamais assez : ceci est un mensonge, this is not true, das ist nicht wahr... On peut le répéter dans toutes les langues. Désolé pour Martin Hirsch, mais ceux qui ont conçu le RMI s'étaient déjà posé la question avant lui. D'ailleurs ils avaient fait les mêmes écoles. Depuis la création du RMI, il existe des mécanismes « d'intéressement », comme disent les spécialistes, qui permettent de cumuler son salaire avec tout ou partie de son allocation de façon à ne pas y perdre quand on reprend un emploi, même pour des emplois à temps très partiels. Ces mécanismes ont changé depuis 20 ans. Mais ils rendent toujours la reprise d'emploi financièrement attractive. Du moins si on ne veut pas tordre le sens des mots. Reprendre un emploi, c'est passer d'une situation « d'assistanat », comme se plaît à insister Xavier Bertrand, à une situation d'emploi.

Ces mécanismes de cumul qui permettent de toujours y gagner quand on reprend un emploi disparaissent au bout d'une année. Car reprendre un emploi ce n'est pas passer sa vie à la perdre dans des emplois à trois francs six sous. Quand ces mécanismes d'intéressement disparaissent, la réalité de l'emploi retrouvé apparaît dans sa vérité toute crue. Si le salaire perçu est inférieur au revenu minimum garanti (le RMI aujourd'hui), alors évidemment, « on y perd ». Mais ce n'est pas un scoop. À partir du moment où la société garantit un revenu minimum, il est évident que l'on peut toujours convertir ce revenu minimum en un minimum d'heures de travail... C'est précisément, d'une certaine façon, ce que le gouvernement essaye de faire avec le RSA. En forçant les pauvres à travailler pour avoir un revenu minimum. Cela s'appelle du travail forcé. Xavier Bertrand le confirme d'une façon finalement assez candide dans sa réponse à la première question de l'entretien accordé à France Soir : « C'est la même logique que l'offre raisonnable d'emploi. »

Bref, on supprime le revenu minimum pour le remplacer par un travail minimum. Évidemment, il n'est pas question de le claironner ainsi. Donc on invente le mythe de la « désincitation au travail » : si les pauvres ne reprennent pas d'emploi, ce n'est pas par paresse. Non, nous sommes des gens civilisés et les pauvres modernes sont rationnels. Les pauvres ne reprennent pas d'emploi parce qu'ils font des calculs et qu'ils constatent qu'ils y perdent. C'est faux, comme on l'a déjà dit. Mais peut-être que le RSA va accroître les incitations existantes ? Quand on cherche la réponse, on a bien du mal à la trouver. On retrouve toujours les mêmes discours incantatoires (quelque chose qui ressemble beaucoup à de l'idéologie) mais rien de très concret. Quand on pose la question aux journalistes, ils sont tout aussi démunis pour y répondre...

Et puis on finit par trouver sur le site du Premier ministre une infographie qui donne le montant du RSA dans différentes situations : selon l'emploi retrouvé et la situation familiale. Les chiffres sont reproduits dans le tableau suivant. C'est le montant mensuel du RSA que l'allocataire perçoit en plus de son salaire de smicard (250 euros pour un quart temps, 500 euros pour un mi temps, 1000 euros pour un temps complet, en chiffres arrondis).


Quart temps

Mi temps

Temps complet

Célibataire

313

237

87

Personne isolée avec un enfant de - 3 ans

311

236

85

Couple monoactif sans enfant

480

405

254

Couple bi-actif sans enfant

179

103

0

Couple monoactif avec 2 enfants

480

405

254

Couple bi-actif avec 2 enfants

179

103

0

http://www.premier-ministre.gouv.fr/information/infographies_813/?id_article=59489

Alors on compare avec la situation actuelle de reprise d'emploi sur la première année où l'on peut déjà cumuler son RMI avec une partie de son salaire. Et l'on constate que la reprise d'emploi est moins avantageuse financièrement avec le RSA. Oui, vous avez bien lu : c'est MOINS avantageux. Sur un an, pour un célibataire qui reprend un  quart temps au SMIC, le gain de la reprise d'emploi diminue de près de 500 euros par an avec le futur RSA.  Pour une personne isolée avec un enfant de moins de 3 ans, la perte annuelle serait de plus de 3000 euros !

Quand la reprise d'emploi s'effectue sur un temps complet, le déficit avec la situation actuelle est encore plus important ...Mais vous ne le verrez pas dans les chiffres reproduits sur le site du journal Le Monde.  Ce  journal se fait en effet le porte voix du gouvernement en reproduisant des chiffres grossièrement truqués

(http://www.lemonde.fr/web/infog/0,47-0@2-3224,54-1089561,0.html).

Pour les salariés qui reprennent un SMIC à temps complet, le « quotidien de référence » oublie simplement le cumul intégral avec le RMI pendant les trois premiers mois, la prime forfaitaire de 150 euros pendant les 9 mois suivants, et la prime de retour à l'emploi de 1000 euros pour les personnes qui reprennent pendant 4 mois ou plus un emploi d'une durée hendomadaire égale ou supérieure à 78 h. Dans le calcul du journal Le Monde, la reprise d'emploi pour un SMIC à temps complet permet de percevoir 12456 euros (soit douze fois le montant d'un smic mensuel à temps complet), alors qu'avec le RSA le total des revenus perçus la première année serait de 13 099 euros, selon le journal. En réalité un Rmiste qui reprend un emploi à temps complet, même au SMIC, perçoit plus de 3000 euros de plus (3049 euros pour être très précis) que le chiffre indiqué par Le Monde. Soit un total sur la première année de 16142 euros. La reprise d'un emploi à temps plein, même au salaire minimum, est donc bien plus avantageuse aujourd'hui qu'elle ne le serait demain avec le RSA. Le RSA diminue l'incitation à reprendre un emploi à temps complet et accroît, par conséquent, les incitations au temps partiel.

Faut-il parler de propagande, ou simplement de désinformation ?



(1) « Le RSA, une forme de pensée unique », Alternatives économiques, juillet 2007.

 


Publié dans SERIEUX - S’ABSTENIR

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