Souvent Hirsch varie, bien fol...

Publié le par pierrôt

Souvent Hirsch varie, bien fol...(1)

Dans un billet publié sur son blog le 30 septembre, Martin Hirsch entend « corriger mes propos ». En fait de correction, ce sont surtout ses propres chiffres que Martin Hirsch corrige, comme en témoigne le tableau suivant.qui donne la situation des futurs allocataires du rsA dans diverses situations de reprise d'emploi sur la première année qui suit la reprise d'emploi. Il s'agit de la situation des personnes isolées, qui représentent la majorité (plus de 60%) des allocataires du RMI. La première ligne reprend les informations publiées dans le rapport déposé au Parlement le 18 septembre dernier (source gouvernementale indique ce rapport). La seconde ligne donne les chiffres indiqués par Martin Hirsch - en réponse à mes critiques - sur son blog (est-ce une source plus officielle que celle du gouvernement ?) le 30 septembre dernier, soit à peine une douzaine de jours plus tard.
 

Revenu disponible dans la première année de reprise d'emploi

pour les futurs allocataires du rsA


1/4 temps

1/2 temps

3/4 temps

Temps complet

Revenu disponible annuel

rsA-

Rapport au Parlement

6636

8556

10464

13560

rsA -

Blog de Martin Hirsch

6933

9138

11343

13548

Revenu disponible annuel EN MOYENNE MENSUELLE

rsA-

Rapport au Parlement

553

713

872

1130

rsA -

Blog de Martin Hirsch

578

762

945

1129


On constate que, sauf pour une reprise d'emploi à temps complet où les chiffres sont très voisins, les données nouvelles affichés récemment sur le blog de Martin Hirsch sont plus élevées que celles du rapport au Parlement. Les députés auraient-ils été mal informés ? Aurait-on voulu leur cacher que le projet gouvernemental était, en réalité, plus favorable aux pauvres ? On ne le saura probablement jamais. Mais l'explication est simple.

Les chiffres du rapport parlementaire sont calculés par rapport à l'annonce  officielle (mais tardive) qui a été faite des modalités concrètes du dispositif. À savoir que le rsA permettrait aux allocataires de conserver, en plus de leur allocation « hors emploi » (l'actuel RMI), 62% de leur salaire. Pour un emploi au SMIC à mi-temps (514 euros par mois), l'allocataire peut avoir son allocation plus 514 x 62% = 319 euros.

Aujourd'hui, les Rmistes qui reprennent un emploi à temps partiel peuvent intégralement cumuler pendant trois mois leur salaire et ensuite, ils peuvent conserver pendant 9 mois 50% de ce salaire. Sur la première année, le cumul - exprimé en % du salaire perçu - est donc de 300% (3 x 100%) plus 450% (50% x 9). Soit une moyenne mensuelle de  62,5% (300% + 450% = 750% ; 750% / 12= 62,5%). Soit en euros, 321 euros par mois. Par rapport au taux de cumul du rsA, la situation actuelle est très très légèrement plus favorable pour ces emplois à temps partiel. De peu, mais c'est plus favorable. Sur mon blog, il était indiqué que la situation ne changeait pas pour ces emplois à temps très partiels.

Pour corriger ces propos, il fallait donc changer les chiffres donnés aux parlementaires. C'est pourquoi, sur son blog, Martin Hirsch dit qu'en réalité le cumul sera un peu plus favorable la première année. On conserverait le cumul intégral pendant trois mois et on aurait ensuite le taux de cumul du rsA (62%). Avec cette méthode, le retour à un petit boulot à temps partiel devient un peu plus avantageux avec le rsA. En résumé, selon le blog de Martin Hirsch, le rsA accroît les incitations à reprendre un petit boulot. Dont acte.

Pour les emplois de 78 heures et plus (l'ancienne frontière du mi-temps avant les 35 heures), la situation est différente. Le rsA est beaucoup plus défavorable que la situation actuelle durant la première année de reprise d'emploi. Ce constat ressort clairement du tableau suivant qui ajoute au tableau précédent une dernière ligne reprenant les données affichées par Martin Hirsch sur la situation actuelle au RMI. Toutes les données sont converties en moyenne mensuelle.



1/4 temps

1/2 temps

3/4 temps

Temps complet

Revenu disponible annuel EN MOYENNE MENSUELLE

rsA-

Rapport au Parlement

553

713

872

1130

rsA -

Blog de Martin Hirsch

578

762

945

1129

RMI -

Blog de Martin Hirsch

555

715

982

1239


Pour tenter de masquer cette réalité déplaisante, Martin Hirsch biaise les chiffres. Cette fois-ci, non seulement il retient l'hypothèse (non prouvée par le texte de loi) de cumul intégral sur les trois premiers mois, mais il ne tient pas compte d'une partie du dispositif actuel qui prévoit une prime de 1000 euros au 4ème mois d'emploi (la prime de retour à l'emploi). Martin Hirsch dit qu'il « neutralise » cette prime dans la comparaison avec le rsA. Pourquoi ? Parce que, écrit-il, « la prime de 1000 euros actuellement versée au 4ème mois pour les allocataires du RMI qui reprennent un emploi de plus de 78 heures est remplacée par une aide versée dès la reprise d'emploi ». De cette « aide versée dès la reprise d'emploi », on ne trouve nulle trace dans le projet de loi.  Ce dernier prévoit explicitement en revanche, de conserver l'octroi de cette prime aux personnes qui auraient pu en bénéficier... avant l'entrée en vigueur de la loi.  Concrètement, cela signifie que les allocataires du RMI et de l'API qui reprendront un emploi de 78 heures et plus au second trimestre 2009 auront droit à cette prime de 1000 euros. Ensuite, pour les autres allocataires qui retrouvent un boulot après juin 2009, plus de prime. Mais peut-être Martin Hirsch inventera-t-il bientôt une autre trouvaille pour « corriger » ce constat ?

Il faut de temps en temps être sérieux. Voilà un projet de loi qui a demandé près d'une année de travail en 2005. Des réunions et des tas d'auditions ; des réflexions et des cogitations qui ont débouché sur un rapport d'experts. Depuis plus d'un an, ce projet, déjà fortement pensé il y a 3 ans, est étudié avec tous les moyens à la disposition de l'appareil d'Etat. On nous a d'abord joué la carte de l'expérience : la réalité concrète du dispositif tiendrait compte des expérimentations. Maintenant, à moins de deux semaines d'intervalle, on revient à la méthode technocratique pour essayer de parer à quelques critiques. « Dessine-moi un rsA nouveau, s'il te plaît, le précédent déplaît ». Tout cela pourrait être risible si cela ne mettait pas en jeu la vie de millions de personnes.

Il reste une conclusion incontestable: selon les propres chiffres de Hirsch, revus et corrigés (promis, juré, craché...enfin, jusqu'à la prochaine fois), avec le rsA il y a davantage d'incitation à reprendre un petit boulot et moins d'incitation à reprendre un véritable emploi. Martin Hirsch se répand en disant que le rsA ne va pas développer les miettes d'emploi mais son dispositif encourage objectivement leur multiplication. C'est bien d'ailleurs une des principales critiques qui lui est faite.

Reste la question de fond :le rsA permet-il de sortir de la pauvreté ? On y reviendra bientôt.

Télécharger le texte de ce billet en format word:  Souvent-Hirsch-varie.doc Souvent-Hirsch-varie.doc


(1) Non, vous n'aurez pas ici la suite de ce dicton pastiché. Je voulais juste souligner que ces remarques - comme bien d'autres auparavant - ont bénéficié des conseils éclairés de Jean Gadrey et Antoine Math, que je remercie vivement. Je ne les embarque pas sur cette galère : ils ont déjà beaucoup à faire et à supporter sur d'autres sujets au moins aussi importants, sinon plus. Je reste donc seul responsable des propos tenus ici. Mais sans leur aide et leurs encouragements, ce genre de billet n'aurait sans doute pas vu le jour. 


Publié dans SERIEUX - S’ABSTENIR

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