« Le RSA ne pourra que nourrir la pauvreté salariale »

Publié le par pierrôt


Un entretien sur le RSA (le revenu de solidarité active, la "trouvaille" de Martin Hirsch, sur laquelle il faudra revenir plus en détail).

Entretien paru dans
L'Humanité le 23 juillet 2008

 

L'Huma. Le gouvernement se vante d’une baisse historique du chômage, mais la pauvreté ne recule pas. Comment expliquer ce paradoxe ?

Pierrôt. Il n’y a pas de paradoxe, puisqu’en réalité le chômage n’a pas baissé depuis 2002. En moyenne, le taux de chômage a été de 8,3 % en 2007 comme en 2002. La vraie baisse historique du chômage a eu lieu entre 1997 et 2001, de 11,2 % à 8,3 %. Le taux de chômage a ensuite recommencé à augmenter pour atteindre 9,3 % en 2006. Et ce n’est qu’à partir de la mi-2006 qu’il a amorcé sa décrue. Il n’est donc pas étonnant de constater que la pauvreté n’a pas reculé cette année-là. D’autant que, sur cette même période 2002-2007, le taux de sous-emploi (temps partiel contraint) a augmenté sur la même période de 4,9 % à 5,5 %, soit 200 000 personnes de plus. Bref, le chômage n’a pas baissé mais la précarité s’est étendue.

L'Huma. L’INSEE souligne que les pauvres sont de plus en plus pauvres…

Pierrôt. Depuis une trentaine d’années, ce qui tire la croissance des revenus, ce sont les revenus de la propriété. En 2007, leur part dans le revenu des ménages a atteint son niveau le plus élevé depuis cinquante ans. Ils représentent aujourd’hui l’équivalent de plus de 50 % des salaires nets perçus par l’ensemble des salariés (contre 25 % il y a trente ans). Or ces revenus se concentrent fortement sur les catégories les plus aisées. Le revenu moyen augmente, mais les ménages les plus modestes, qui ont peu de patrimoine, décrochent.

L'Huma. Une des seules réponses du gouvernement à la pauvreté est la création du revenu de solidarité active (RSA), qui consiste à verser un complément aux salariés à faible salaire. Qu’en pensez-vous ?

Pierrôt. Il est difficile de se prononcer sur un dispositif aux contours encore flous. La seule chose certaine, c’est que le financement du RSA se réduit de mois en mois, ce qui jette le doute sur son efficacité… Le RSA consistera en un redéploiement de la prime pour l’emploi : on prendra aux moins pauvres pour donner aux plus pauvres. Mais ce dispositif laissera de côté les plus fragiles et les plus éloignés de l’emploi, comme les handicapés et les personnes âgées, dont le revenu est largement en dessous du seuil de pauvreté. Enfin, avec le RSA on encourage le développement de temps partiels très courts à très bas salaires. Ce qui ne pourra que nourrir la pauvreté salariale.

Propos recueillis par Fanny Doumayrou

Publié dans PEOPLE

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