Le bonheur est dans l'ENA!
Le bonheur est dans l’ENA !
Les accros de la croissance n’ont pas de soucis à se faire. On va la ripoliner avec une couche de vert et tout ira bien…jusqu’à la prochaine catastrophe
L’indicateur fétiche de la croissance, le PIB, mesure le volume de tout ce qui est produit chaque année. S’il augmente, tout va bien, c’est le « progrès », du moins selon la pensée économique dominante. La croissance c’est comme les cochons, ça avale tout. La forêt amazonienne reconvertie en meubles exotiques, les usines de dépollution pour réparer les dégâts du productivisme, l’embauche de vigiles et de flics pour rassurer les propriétaires,... La croissance recrache de plus en plus de saloperies et elle épuise les ressources naturelles. Cette croissance-là n’est pas soutenable, on le sait bien.
Sarko, en grand manitou de la récupération, a flairé le coup. Il a demandé au printemps 2008 à une commission « d’experts de haut niveau » de plancher sur de « nouveaux indicateurs de progrès ». Pour aller au chevet d’un indicateur économique, on a pris…des économistes. C’est comme si on demandait à un alcoolo de choisir par quoi remplacer son nectar préféré. La réponse a été mise en catimini sur le site de la commission début juin, pour un simulacre de consultation. Le prérapport d’une centaine de pages est bourré de jargon technique…et il est en anglais. La commission a les moyens de se réunir à New-York (bonjour le bilan carbone !) et d’héberger ses membres dans des hôtels de luxe, mais elle n’a pas un fifrelin pour traduire ses textes en français.
Que propose cette commission ? Elle met en avant un indicateur phare, l’ENA. Rien à voir avec les crânes d’œuf qui squattent les postes de pouvoir. L’ENA, c’est l’épargne nette ajustée, un concept développé par la Banque mondiale. L’idée est simple : si on pioche dans son patrimoine pour consommer, ce n’est pas soutenable. Car au bout d’un moment, le patrimoine s’épuise et on ne peut plus rien consommer. Pour les économistes, patrimoine se dit capital. On en additionne trois pour le calcul de l’ENA. Le capital économique (machines, bâtiments,…), le capital humain (mesuré par les dépenses d’éducation) et le capital écologique (les ressources naturelles diminuées des dégâts liés aux dommages climatiques). Pour additionner ces choux et ces carottes, on leur donne une valeur monétaire (ne vous inquiétez pas, les économistes adorent faire ce genre de choses). Si le total augmente, tout va bien, on est sur la voie royale du développement durable. Sinon, alerte dans les chaumières.
Pour en savoir plus:
Site de la commission Stiglitz
http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/en/index.htm
Beaucoup plus intéressant (et accessible), les analyses développées sur le même sujet par le collectif FAIR (« Forum pour d'autres indicateurs de richesse ») constitué au moment de la mise en place de la commission Stiglitz.
http://www.idies.org/index.php?category/FAIR